The Proposition

Publié le par La fée Paradis


the proposition

John HILLCOAT
Australie 2005 1h44mn VOSTF
avec Guy Pearce, Ray Winstone, Emily Watson, John Hurt, Danny Huston...
Scénario et Musique de Nick Cave


Utopia Bordeaux a dit


L’hiver approche et pourtant : la lumière s’éteint à peine que vous sentez votre chemise vous coller à la peau, une moiteur tenace vous envahir. Pourtant pas de problème de climatisation dans votre salle préférée… Peu après une terrible odeur virile de sueur, de poussière, de nerfs à vif vous agresse les narines. Là encore pas de problème particulier d’hygiène à Utopia. Non, c'est juste que vous êtes en train de découvrir le western le plus incroyable, le plus suintant et définitivement le plus réaliste de tous les temps. Un western qui, dès les premières images d’une fusillade insensée, vous accueille en enfer: 50° au milieu d'un désert nettement moins accueillant que le Monument Valley cher à Hollywood, des cowboys crasseux et édentés qui n’ont sûrement pas pris, depuis une bonne décennie, un bain dans une baignoire en alu avec un bon whisky à la main, comme tout bon héros de western devrait le faire.


Et ici les Indiens qu’on croise sont tout nus, et ont étrangement la peau plus noire que rouge… Il faut dire que The Proposition – et c'est là son charme premier : l'absolu dépaysement – nous entraîne à quelques dizaines de milliers de kilomètres du far west : bienvenue dans le bush australien du xixe siècle, un trou du cul du monde où l’Empire britannique envoyait, plutôt de force que de gré, tous les renégats et les exclus de la prospérité victorienne, criminels compris.


Évidemment dans ces conditions, pas facile pour le capitaine Stanley de maintenir au nom de l'Empire britannique les valeurs de la civilisation (les scones au tea time, un langage policé, la dinde et les les décorations à Noël sous le soleil austral, le raffinement des toilettes des dames). En face de lui, il a fort à faire avec les bushrangers, ces hors-la-loi mythiques survivant dans les terres sauvages, et en l'occurrence les Burns, une famille de renégats irlandais violeurs, pilleurs et meurtriers.

Et pourtant on a bien du mal à démêler le bien et le mal dans The Proposition. Un film où les pires meurtriers ont des visages d'anges et chantent comme des rossignols des chansons tristes à vous briser le cœur, encore couverts du sang de leurs victimes, et où les chasseurs de primes les plus cruels (génial John Hurt) sont poètes. Un film où les bonnes gens se repaissent de la flagellation publique du plus jeune des Burns, innocent du crime de ses frères mais dont le seul nom suffit à faire monter, chez des citoyens à la bêtise crasse, l'ivresse de la vengeance aveugle. Un film où les soldats de l'Empire britannique, violents et corrompus, vont à la chasse à l'Aborigène comme on va chasser le perdreau. Seule icône de beauté et de justice, Martha Stanley (la lumineuse Emily Watson) tente de préserver ce qui reste de sauvable dans ce qui ressemble fort à la décharge de l'Empire.


Les vieux schnocks comme moi, ayant dépassé la quarantaine, savaient depuis 1990 et le génial Ghosts of the civil dead, le plus terrible film jamais réalisé sur l'isolement carcéral, qu'un jour l'australien John Hillcoat nous reviendrait avec un pur chef d'œuvre. Après une longue traversée du désert, c'est un fameux doublé que nous offre Hillcoat en cette fin 2009 avec le tout récent La Route et ce magnifique western funèbre qu'est The Proposition, tourné en 2005 et co-écrit avec un autre génie, Nick Cave, dont la musique sombre et chaude s'adapte parfaitement à l'univers âpre et dantesque du xixe siècle australien. À noter aussi la lumière étrange et superbe composée par le chef opérateur français Benoît Delhomme (repéré pour son travail sur L'Odeur de la papaye verte).



Que dire de plus ?


Juste avant la ventrée de la Saint-Sylvestre ... Et heureusement parce qu'après ça n'aurait pas été possible ! Et ça a été un retour en fanfare à Utopia Bordeaux, le cinéma qui m'a fait aimer le cinéma avec feu le Jean Vigo, il y a déjà quelques années ( Fermeture du Jean Vigo à Bordeaux ).

Un film dur et cru qui nous met très mal à l'aise, physiquement et moralement. Sur fond de colonisation et d'extermination systématique des aborigènes par les soldats britaniques, très difficile de savoir qui sont les gentils et les méchants, les humanistes et les ordures. Les criminels socipathes et la populace sale et incultes ne sont-ils pas tous des victimes d'enjeux qui les dépassent, des politiques nationalistes et hégémoniques aveugles des grandes puissances à cette époque ?

Arthur Burns a peut-être fait sienne une réplique qui m'a beaucoup marquée quand j'étais petite et à propos de laquelle je m'interroge encore : "Mieux vaut régner en enfer que servir au Paradis" (Jack London, Le loup des mers).


C'est en tout cas un grand film : ambiances parfaitement retranscrites (lumière et son), acteurs qui incarnent avec justesse des personnages complexes et un scénario très bien ficelé au service d'une thèse claire, celle de l'humanité dans un environnement hostile. Après ce film et au vu de ce que j'ai entendu à propos de La Route , je ne suis pas étonnné que John Hilcoat se soit approprié cette histoire. Il faudra d'ailleurs aller le voir aussi.



Ma Note : 4,5/5

Publié dans Ciné

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