Taxi Driver, de Martin Scorcese
C'est dans le cadre d'un jeux-concours spécial festival de Cannes que j'ai reçu le DVD de Taxi Driver , choisi parmis un grand nombre de palmes d'or, pour le commenter.
Je n'essaierai pas, ici, de me livrer à l'exercice du commentaire de pro : depuis 1976, je suis persuadée que les meilleures plumes et autres fans de Martin Scorcese s'y sont déjà essayés et que tout a été dit. Voici donc un commentaire subjectif et personnel.
Ce fut un plaisir de revoir Travis, jeune vétéran du Vietnam, sous les traits plus que charmants de Robert de Niro, de la déprime à l'espoir déçu puis de la la maniaco-dépression à la résurrection. Le tout est filmé dans un New-York post-hippie et pré-punk correspondant à tous les fantasmes. L'esthétique de l'image de la ville est quasi-photographique (grandes artères, circulation, taxis, sites industriels, quartiers populaires, images glauques du milieu de la nuit entre deal, prostitution et détresse, cafétérias typiques, ...). C'est un New-York à la fois attractif et effrayant qui est représenté. Les lumières, parfois feutrées ou absentes mais souvent éblouissantes et colorées, mettent ces images en scène au gré des émotions et perceptions de Travis. Le vrai objet de ce film, c'est la grosse pomme !
Le scénario aborde de très nombreux thèmes, autour des mythes de la grande ville impersonnelle :
1) la solitude à laquelle l'être humain semble voué dans une grande ville (Travis, Betsy ou Iris sont très seuls) et la perte des repères sociaux, notamment familiaux ;
2) la relation amoureuse qui apparait impossible (entre Travis et Betsy mais aussi entre Sport et Iris) (d'où l'inévitable solitude, cqfd) ;
3) l'incompréhension et les difficultés de communication (Travis communique mal avec ses collègues lorsqu'il essaye, notamment avec Sorcier, n'a pas eu de contact avec ses parents depuis très longtemps et est incompris par Betsy puis par Iris) ;
4) l'incompatibilité des habitus et la méconnaissance de l'autre (réaction vive de Betsy par rapport au choix culturels de Travis qui n'en connait pas d'autre, par la fuite et non par la rencontre et le dialogue) (elle méconnait visiblement les enseignements de Pierre Bourdieu);
5) violence des rapports humains entre indifférence, abus et rejet pur et simple;
6) violence d'une société qui permet facilement l'usage des armes à feu, après avoir apris aux vétérans à s'en servir (il apparait comme inévitable d'y avoir recours, lorsque la crise maniaque de Travis atteint son paroxysme, avec des cibles liées à son passé récent), cela montre aussi la difficile réinsersion des vétérans du Vietnam, incompris par leurs proches, dangeureux et entrainés(c'était aussi le thème de Rambo premier opus);
7) incompréhension face aux névroses et aux psychoses accentuées par la solitude urbaine, indifférence générale et misanthropie (Travis sombre progressivement vers le pétage de plombs dans une solitude absolue) ;
8) plus généralement une réflexion quant à la modernité / ringardisme des valeurs traditionnelles : Travis demande à Iris si elle considère que la drogue et la protitution pour un maquereau sans envergure est plus moderne que de vivre en province avec des parents coincés.
Il n'y a évidemment pas de réponse, mais la question mérite d'être posée, y compris aujourd'hui : est-ce plus moderne de faire la queue en hypermarché ou de cultiver un potager ? Est-il plus moderne de manger des surgelés cancérigènes ou de préparer une soupe ou un pot-au-feu ? de regarder TF1 (ou n'importe laquelle des 752 chaînes du bouquet numérique) ou de décendre commerer avec les voisins sur le pas de la porte comme le font les vieux italiens ? Est-il plus moderne de parcourir des kilomètres en avion pour exploser le bilan carbone de 1000 haïtiens et faire semblant de visiter un coin en deux semaines ou d'apprendre à connaitre réellement son coin (faune, flores, chemins de randonnées, voisins ....) ? Je vous le demande !
Mais je digresse. Pour revenir au film : le très bon jeu des acteurs accompagne la mise en scène et le scénario. C'est quand même le film qui a réellement lancé Robert de Niro (Travis), Jodie Foster (Iris) et Harvey Keitel (Sport).
Voilà, j'ai été très contente de revoir "Taxi Driver" (je l'avais vu au ciné à Bordeaux il y a dix ans et j'avais même oublié de quoi il parlait) et j'encourage tout le monde à faire de même !