Le ruban blanc

Publié le par La fée Paradis


DAS WEISSE BAND
Écrit et réalisé par Michael HANEKE 
Autriche 2009 2h25mn VOSTF
avec Rainer Bock, Susanne Lothar, Christian Friedel, Leonie Benesch, Ulrich Tukur, Ursina Lardi, Burghart Klaussner...
PALME D’OR, FESTIVAL DE CANNES 2009.

 

 



Utopia a dit


C’est sans doute LE chef d’œuvre (on assume nos superlatifs) du mutli-récompensé Michael Haneke (avant sa Palme d’Or pour ce Ruban Blanc, il reçut à Cannes le Prix de la Mise en Scène pour Caché et le Grand Prix du Jury pour La Pianiste). Un film d’une maîtrise, d’une rigueur, d’une force époustouflantes, qui crée tout en suggestion un climat d’effroi et d’oppression, qui raconte comment l’enfance peut être mutilée par un système social fermé et hiérarchisé à outrance, claquemuré dans ses interdits.

Le Ruban Blanc se situe au cœur de l’Allemagne rurale du Nord, dans les années 1913/1914. Un pays étouffant magnifiquement rendu par le noir et blanc d’Haneke, un pays qui pourrait évoquer les phrases de Brel qui parlait de la Flandre avec « un ciel si bas qu’il fait l’humilité ». Un pays encore marqué par les anciennes féodalités, où la société est structurée à l’extrême avec à sa tête le baron, et ses relais intermédiaires : médecin, pasteur, instituteur… Le tout dans le respect de la religion protestante la plus rigoriste, celle qui impose aux enfants le respect absolu du père (même quand celui-ci court la gueuse en cachette), la répression des premiers désirs (les adolescents dorment les mains attachées, au cas où des envies nocturnes les pousseraient vers des plaisirs solitaires).


Dans ce contexte immuable et immobile, soudain l’inattendu s’invite. Le médecin est victime d’un accident de cheval, renversé par un mystérieux fil tendu en travers du chemin. Puis un potager est saccagé, un pauvre colibri est massacré à coups de ciseaux, et un jeune handicapé est kidnappé et horriblement torturé… Autant d’évènements inexpliqués, et il ne faut évidemment pas compter sur Michael Haneke pour réunir les protagonistes dans une scène finale et révéler le ou les coupables. Haneke réalise un thriller historique et politique, pas un polar à intrigue. Ce qui l’intéresse, c’est de montrer la montée insidieuse du mal dans une société qui se croyait indestructiblement solide sur ses assises morales, mais qui n’a laissé aucune place dans les relations humaines aux sentiments et à leurs débordements, qui a volontairement nié l’irrationnel et la place du désir, et leur capacité à faire progresser l’humanité.


Et Haneke filme tout ça à travers le prisme de l’enfance, cette enfance que les adultes ont, à force de vouloir préserver l’innocence (ce ruban blanc que les deux enfants du pasteur doivent porter durant une année probatoire pour expier leurs menus pêchés passés), totalement détruite. Le seul espoir pourrait venir de l’instituteur, le narrateur, voix éclairée dans un océan d’obscurantisme et seul lien avec des enfants qu’ignorent leurs parents. Mais celui-ci parviendra-t-il à ne pas abdiquer face à l’horreur qui s’annonce ? Car le film s’achève en 1914, alors que s’annonce le cataclysme des armes pour une Allemagne que les frustrations feront basculer dans le nazisme deux décennies plus tard… Les chères têtes blondes du film seront probablement les serviteurs du totalitarisme.


Car c’est là l’un des messages forts du film : la censure, l’absence de liberté, le puritanisme… nourrissent la haine de soi et donc des autres pour construire les totalitarismes de demain.

 



Que dire de plus ?


De Haneke j'avais vu La Pianiste (2001) et le plus inaperçu Code Inconnu (2000). Le premier mettait en scène la folie et les frustrations d'une femme brillante (Isabelle Huppert) et m'avait révélé le formidable Benoît Magimel, un peu hard tout de même. Le second était plus soft, presque poétique. C'était une tranche de vie, sans début et sans fin. Je gardais donc un bon souvenir mais pas de quoi faire de Haneke un de mes réalisateurs préféré.

Là c'est quand même une palme d'or, donc on est allé le voir ... Et ce fut terrible ! Un noir et blanc qui pose l'atmosphère persante d'une communauté villageoise en huis clos, des gros plans expressifs sur des visages qui le sont beaucoup mois, des non-dits qui crèvent l'écran, des actes terribles étouffés pour une sois-disante paix sociale et des sois-disantes bonnes réputations ... On se sent un peu nauséeux à la fin.

L'absence de son et de couleurs pour le lancement du film pose aussi bien les choses, et le générique de fin, sobre et silencieux achève le travail. Les acteurs jouent super biens leurs rôles et on comprend que vingt ans plus tard, les personnages aient pu adhérer, accepter ou au moins se taire face au pire.

A tous ceux qui disent que c'était mieux avant (avant quoi d'ailleurs ?), je recommande ce film... Finalement, la télé et les jeux vidéos c'est pas mal non pius pour occuper les gamins ... 

 

Publié dans Ciné

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S
<br /> j'accompagnais notre fée béarnaise à cette séance, et je ne peux que confirmer ses dires, je suis sortie de la salle mal-à-l'aise et complètement "étouffée", envie de prendre une grande<br /> respiration dehors, et de constater avec soulagement qu'e je vis bien dans un monde libre et en couleurs.<br /> <br /> <br />
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L
<br /> <br /> Bienvenue miss !<br /> <br /> On se dit même vive facebook après ce film <br /> <br /> PS C'est Simon "squire" d'entremont ou rien à voir ?<br /> <br /> <br /> <br />