Le cinéma anglais, de l'après-guerre au Free Cinema (1945-1968) / Le Prix d'un Homme (1963)

Publié le par La fée Paradis


Le Free Cinema est un des mouvements cinématographiques les plus originaux de l'histoire du cinéma. Occulté par la Nouvelle Vague française, il reste pourtant peu connu.


Les années 1960 sont des années charnières dans l'histoire du cinéma après la grisaille des années 50 partout dans le monde (seulement Bresson et Tati en France, cléricalisme triomphan en Itale, crise du cinéma anglais, fin de l'âge d'or d'Hollywood aux Etats-Unis ...). Il s'agit donc d'un renouveau général :

- Dans les pays de l'est : nouvelle vague en Tchéquoslovaquie à partir de 1963 (prémices du Printemps de Prague), en Pologne à la fin des années 1950 et au début des années 1960 , comme en Hongrie.

- Cinéma Novo brésilen (1963- 1969) qui fera certainement l'objet d'un cours à lui tout seul : Glauber Rocha, so théoricien, prone une esthétique de la faim et de la violence afin de permettre au Tiers Monde de pouvoir s'exprimer

- Nouvelle Vague en France. Le Free Cinema peut se caractériser par ses quelques similitudes et ses nombreuses diférences par rapport à la Nouvelle Vague Française.


Les similitudes entre Novelle Vague et Free Cinema :

- mouvement lié à des publications dans une revue : Les Chahiers du Cinéma en France et Sight and Sound en Angleterre. Les théoriciens des deux mouvements y publient régulièrement des articles. 

- Les dates et durées de ces deux mouvements : dès la fin des années 1950, Françoise Giroud nomme Nouvelle Vague le mouvement naissant avec Le Rideau Cramoisi d'Alexandre Astruc en 1952, La Pointe Courte d'Agnès Varda en 1954,  Tous les Garçons s'appellent Patrick de Jean-Luc Godard en 1958 et le terme restera. Le mouvement nait en même temps en Angleterre.

- Trois cinéastes dominent chacun de ces mouvements : Truffaut, Godard et Chabrol (rive droite, par opposition à la rive gauche, Varda, Doillon ...) en France; Anderson, Reisz et Richardson en Angleterre.


Les différences fondamentales entre Nouvelle Vague et Free Cinema :

-La Nouvelle Vague dérange beaucoup moins que le Free Cinema, ou le Cinéma Novo brésilien. Elle est portée par des anarchistes de droites qui opèrent une révolution formelle en libérant le metteur en scène par rapport aux studios ou aux vedettes. Tandis que le Free Cinéma et les tèmes qu'il aborde gênent. Il est peu enseigné et peu programmé (Le prix d'un homme n'avait pas été réédité en salle depuis 47 ans et Samedi soir et Dimanche matin est impossible à diffuser puisqu'il est impossible de savoir qui en a les droits).


- La Nouvelle Vague ne concere que le cinéma, alors que le Free Cinema s'inscrit dans le mouvement artistique des "angry youg men" qui concerne aussi la littérature et le théâtre.


Dans les années 50, le cinéma anglais était composé de films nationalistes sur la deuxième guerre mondiale, de policiers et de mélodrames. En février 1956, au National Film Theater, sont diffusés 3 courts métrages révolutionnaires : O Dreamland de Lindsay Anderson (1953), Momma don't allow de Tony Richardson (1955) et Together (?) de ?.


Les principales caractéristiques du mouvement :


- Les réalisateurs quittent Londres pour la province, et principalement pour les villes industrielles du nord.

- Les héros sont toujours des révoltés contre la société de consommation, les conditions de travail des ouvriers.

- Le héros ne parvient jamais à exprimer sa révolte dans la société capitaliste. Dans un monde capitaliste, la révolte ne peut aboutir si elle n'est pas collective. Le héros du Free Cinema est donc toujours un louseur.


Les principaux films du mouvement :

De 1959 à 1963 :

- Samedi soir, Dimanche Matin, de Karel Reisz en 1960
- La Solitude du coureur de Fond, de Tony Richardon en 1962
- Un goût de miel, de Tony Richardson en 1960
- Billy le Menteur de John Schlesinger en 1963
- Le Prix d'un Homme, de Lindsay Anderson en 1963
- Les Chemins de la la Haute Ville, de Jack Clayton en 1959
- La fille aux yeus verts, de Desmond Davis en 1963

Cette pèriode correspond à celle du mouvement. Autour de la revue Sight and Sound, les principaux acteurs travaillent ensemble. Ils sont réalisateurs mais aussi scénaristes et producteurs des films réalisés par les autres.

Après 1963, le mouvement s'essoufle mais les différents réalisaters poursuivent leur carrière individuelle. Ils réaliseront d'utres films reprenant les différentes caractéristiques du mouvement.

- La Charge de la Brigade légère, de Tony Richardson en 1968
- If ..., de Lindsay Anderson en 1968

Ce sont les prémices du mouvement de mai 68 et If... a obtenu la palme d'or à Cannes en 1969. Il sagissait d'une apothéose tardive cloturant définitement un mouvement dont Ken Loach n'est pas un héritier direct.

Le Free Cinema anglais est le mouvement le plus représentatif des années de la contestation dans le monde entier !

Lindsay Anderson est théoricien du mouvement. Tony Richardson est le plus roboratif et son cinéma traduit ses qualités de tendresse et de générosité ansi que sa révolte. Il a été marié à Vanessa Redgrave et est mort du Sida en 1991.


Extraits :

- O Dreamland, de Lindsay Anderson en 1953. Court métrage documentaire de 12 minutes qui film sans complaisance un parc d'attraction fréquenté par un public populaire et dont les spectacles et attractions ne sont pas du meilleur goût.


O Dreamland
envoyé par zohilof. - Regardez plus de films, séries et bandes annonces.


Il ne s'agit pas d'un film militant. Le réalisateur adopte une distanciation brechtienne par rapport à la réalité.


- Momma Don't Allow, de Tony Richardson et Karel Reisz en 1955. Court méage de fiction plus engagé que le précédent. Dux classes sociales se croisent et s'ignorent dans un dancing.


- Samedi soir, Dimanche matin, de Karel Reisz en 1960, avec Shirley Ann Field, Albert Finney, Rachel Roberts, ...

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Les corps sauvages de Tony Richardson en 1958 est le premier long métrage du Free Cinema. Samedi Soir, Dimanche Matin représente pourtant un coup de tonerre dans le paysage cinématographique anglais. C'est d'adaptation d'un roman prolétarien d'Alan Sillitoe.

Idée générale : les loisirs d'un individu sont aliénés et peu épanouissants lorsque le travail l'est aussi. Cette thèse a d'ailleurs été reprise par Simone de Beauvoir dans ses mémoires. Un ouvrier n'a les clés culturelles ni pour s'exprimer, ni pour se révolter.

Les films du Free Cinma sont les héritiers de l'école documentaire des années 1930 (voire  Le cinéma anglais, de l'après-guerre au Free Cinema (1945-1968) / Noblesse Oblige (1949)), mais cette dernière n'était pas engagée. Il s'agissait de répondre à des commandes officielles. Le Free Cinema a recours à la fiction pour osculter la vie sociale des personnages, ce qui est impossible dans le cadre du documentaire. La fiction permet de tisser des liens quiéclairent les raisons de l'aliénation, et de relier la vie des héros au contexte social dans lequel ils évoluent.

Ici, l'ouvrier, Albert Finney, n'est pas déalisé (il boit, il est grossier), mais il est sympathique et révolté.

Projection de deux extraits ; scène de pêche et surtout scène où l'avortement est suggéré  dans ne discussion entre une femme mariée et son amant, ce qui était très subversif et rare à l'époque.

Karel Reisz, le réalisateur, tournera ensuite La force des ténèbres (1964) avant de revenir auxsources du Free Cinema avec Morgan fou à lier en 1966 (histoire d'un anarchiste fou) et Isadora en 1968 où Vanessa Redgrave interprète une femme libre et obtient le prix d'interprétation féminine à Cannes en 1969.

Précision : on l'a oublié, mais dans les années 1960, les prix à Cannes récompensaient essentiellement des films anglais et italien. Le cinéma anglais connaissait son dernier âge d'or tadis qu'Hollywood survivait, jusque dans les années 1970 avec la relève dans le cinéma indépendant améicain (Scorcèse, Coppola, De Palma ...).


- Un goût de miel, de Tony Richardson en 1961, avec Robert Stephens, Rita Tushingham, Dora Bryan ...
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Richardson est aussi un metteur en scène de théâtre. Il est parti aux Etats-Unis où il a réalisé Sanctuaire d'après Faulkner avec Yves Montand, mais le rôle de metteur en scène à Hollywood ne lui a pas plu (omniprésence des studios et des vedettes, y compris dans le montage final du film) et il est rentré en Angleterre.

Dans ses films, il aborde très tôt des thèmes liés à la sexualité avec une grande franchise (homosexualité ...). Un goût de miel raconte l'histoire de deux solitudes qui se rencontrent une fille livrée à elle-mêmedont la mère est très perturbée, enceinte d'un mrin noir qui l'a laissée tomber et d'un homosexuel qui veut élever l'enfant qui va naître avec elle.

L'extrait aborde la question de l'homoparentalité et de l'instinct matenel (la jeune feme dit clairement qu'elle déteste l'idée de la maternité), des thèmes très rares à cette époque. C'est l'adaptation d'une pièce de théâtre écrite par un auteur révolté de 19 ans.

C'est le même qui réalisera Hotel New Hampshire d'après le roman de John Irving en 1984, abordant les tabous qui bloquent la sexualité des individus de manière très libre.


- La solitude du coureur de fond, de Tony Richardson e 1962, avec Michael Redgrave, Tony Courtenay, Alec McCowen,...

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Un jeune délinquant issu d'un milieu défavorisé (Smith) est enfermé dans une maison de redressement. Le directeur de l'établissement veut tirer profit de ses capacité en course à pieds pour battre une institution voisine et assurer le prestige de la maison de redressement.

Au moment de gagner un 3000 mètres, Smith se rend compte qu'il est en train de faire le jeu d'une insitution qu'il déteste. Pou que sa victoire ne soit pas récupérée, il laisse passer son rival. Dan sa tête défilent tous les souvenirs humiliants qui expliquent sa décision. En gagnant la course, il aurait perdu sa dignité.


- If ..., de Lindsay Anderson en 1968, avec Malcolm McDowell, David Wood, Richard Warwick ...

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C'est le chant du cygne tardif du Free Cinema, palme d'or à Cannnes en 1969 mais tourné avant les évènements de mai 68.

Dans un collège anglais sévère, le personnage interprété par Malcolm McDowell (Aex de Orange Mécanique de Kubrik un an plus tard) subit de humiliations et se venge le jour de la remise des diplomes, en présence de tout le gratin conservateur.

La scène de la fusillade, dont on n'a jamais su si ele était réelle ou imaginaire, marque la révolte de mai 68 et cloture le Free Cinema par un couronement international.

Le mouvement s'est essoufflé dès 1963, malgré les sursauts de La charge de la brigde légère de Tony Richardson et If ... de Lindsay Anderson en 1968.

Dans tous les films évoqués, malgré le parti pris en faveur du héros révolté oppressé, la parole est aux deux camps. L'autre camp conserve son épaisseur et son humanité. Le Free Cinema n'est pas manichéen, ce qui participe de sa crédibilité. Il s'agit de montrer le fossé qui sépare les déclarations généreuses et la réalité des combats. En ce sens, Ken Loach est un héritier batard du Free Cinema: ses films sont manichéens et ses héros ne perdent pas à tous les coups.

A la suite de cet âge d'or, deux grands réalisateur américains s'instalent en Angleterre pour y réaliser leurs films : Stanley Kubrik et Joseph Losey qui mériteraient chacun qu'un cours leur soit respectivement dédié.

Peter Watkins ne s'inscrit pas dans le mouvement du Free Cinema (plus jeune que les précédents) mais il tourne aussi des films de révolte : La Commune (Paris 1871) en 2007,Edward Munch en 2005, ou encore La Bombe en 1965. Dans ses films, il imite le ton des informations pour en détourner le sens au profit d'un message antifasciste et antimilitariste avec des anachronismes (Télé Versailles durant la Commune de Paris par exmple).

- La Bombe de Peter Watkins en 1965, avec Micael Aspel, Peter Graham ...

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Dans ce film, l'URSS a laché une bombe atomique dans le Kent et on observe l'horreur de la bombe sur le ton du reportage (d'ailleurs ça m'a fait penser à Gen d'Hiroshima (tomes 1 et 2)Gen d'Hiroshima (tomes 3 et 4)Gen d'Hiroshima (tomes 5, 6 et 7) ). Ce film a reçu l'oscar du meilleur documentaire.


Entre 1963 et 2008, le scénariste Harold Pinter (Prix Nobel de litterrature en 2005) se caractérise par la mise en scène du "non-dit" et de la suggestion. Il traite d'un sujet sans en parler : scénarios de Accident de Joseph Losey en 1967 et du Messager du même réalisateur en 1971.

- Le secret du rappot Quiller de Michael Anderson en 1966, scénario d'Harold Pinter, avec George Segal, Alec Guiness, Max von Sydow ...

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C'est un film d'espionnage au scénario subtil qui se déroule à Berlin Ouest. Il montre la recontre entre un espion britanique et une femme qui le mène aux repaire des néo nazis qu'il recherche On se rend compte subtilement à la fin que la femme l'a trahi et qu'elle appartient au groupe des nazis. Malgré cette trahison, on sent que l'amour qu'ils éprouvent l'un pour l'autre perdure.

Michael Anderson n'est pas un génie mas c'est un bon metteur en scène, fiable et solide.





Le Prix d'un Homme

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De Lindsay Anderson
This Sporting Life
GB / 1963 / 134' / NB / VOSTF
Avec Richard Harris, Rachel Roberts, Colin Blakely


Le Méliès a dit


L'une des oeuvres les plus emblématiques du Free cinema, avec If (1968) du même auteur, Samedi Soir et Dimanche Matin (1960), de Karel Reisz et La Solitude du coureur de fond (1962), de Tony Richardson.

Dans une petite ville du Yorkshire, un ouvrier connaît pour un temps la gloire en devenant professionnel de rugby.

Une des meilleures descriptions des milieux sportifs que nous ait donné le cinéma, et un intelligent - et peu fréquent - parallélisme narratif entre la réussite professionnelle du héros et les soubresauts de sa vie privée, sans cesse conditionnés par son ascension sociale.


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Transition entre le cours et le fim projeté


Ce film n'a pas été distribué entre 1963 et 2009, preuve que le Free Cinema, contmporain de  la Nouvelle Vague, a été délibérement occulé et marginalisé tant les thèmes abordés dérangeaient, contrairement à la Nouvelle Vague qui ne dérangeait personne : ouvriers des provinces industrialisées, héros révoltés dont la révolte était vouée à l'échec dans le monde capitalste contemporain.

Le Free Cinema anglais se rapproche donc du néo réalisme italien ( Du cinéma fasciste italien au néo-réalisme / Ossessione (1942) et L'âge d'or et la fin du néo-réalisme / Voyage en Italie (1953) ).

Le Prix d'un Homme raconte l'histoire d'un ouvrier qui devient professionnel de rugby . La vie privée des individus est conditionnée par le contexte social dans lequel ils évoluent. On observe donc les difficultés rencontrée par le héros paralèllement à son ascenssion sociale.



Que dire de plus ?





C'est un film bourdieusien, tout y est : capital économique et social, habitus de classe , déterminisme social ... Ok je fais de la sociologie de comptoir, mais ce film m'a réellement touché.

On sent dès le début que ça ne peux pas marcher pour Franck. Il est bien trop rustre, mal élevé et surtout trop attaché à ses valeus d'honnêteté et de bon sens populaires pour évoluer dans le milieu petit bourgeois du rugby industriel. Son acenssion et sa chute sont d'ailleurs merveilleusement accompagnées par le thème inquiétant et opressant du film, même si on ne s'en apperçoit pas de prime abord.

On vit la révolte de ce pauvre bougre et là ça donne envie de tout casser et de faire la révolution. C'est pour ça que je veux bien croire que mettant en pratique la fameuse mécanique de "la fabrique du consentement" démontrée par Noam Chomsky, le cinéma ait délibérément occulté ce mouvement cinématographique trop intelligement engagé.


Merci à Emmanuel Leclercq et au Méliès de m'avoir permis de découvrir ce film et le mouvement dans lequel il s'inscrit, sinon j'ai bien peur que je n'en eusse jamais entendu parler .... Le capitalisme qui parvient à faire s'autocensurer son avant garde culturelle (je ne parl pas de moi mais du monde du cinéma d'auteur et des salles art et essai) a encore de beaux jours devant lui ...




Publié dans Ciné

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