La Piel que Habito, de Pedro Almodovar

Publié le par La fée Paradis

 

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"Almodóvar est-il fou ? Depuis que l'humanisme chaleureux de Tout sur ma mère (1998) lui a valu un sommet de popularité, il a furieusement viré au noir. Les démons précoces de sa filmographie - érotisation de la mort (Matador, 1985), frustration, séquestration et viol (Attache-moi !, 1990) - ont proliféré et muté à partir de Parle avec elle (2002), histoire d'amour quasi nécrophile. De film en film, avec un brio de conteur jamais démenti, il nous plonge dans des turpitudes telles qu'il est parfois délicat de l'y retrouver, lui. Où est sa place, son identité d'auteur ? Quel est son regard sur les êtres et les actes terrifiants qu'il met en scène ?

Adapté du thriller Mygale, de Thierry Jonquet, La Piel que habito (« la peau que j'habite ») pose, de façon lancinante, cette question de l'identité : est-on toujours ce que l'on a été ? Mais patience. D'abord une situation démente, filmée calmement, comme si tout était normal - effet maximum. Une jeune femme (Elena Anaya) est retenue prisonnière dans une grande propriété isolée. Un chirurgien esthétique (Antonio Banderas) perfectionne sur elle une nouvelle peau transgénique, et la couve des yeux par écrans interposés. Même la gouvernante (Marisa Paredes) n'entre pas dans la chambre de la patiente en justaucorps, aux penchants suicidaires, et comme retranchée dans la pratique du yoga. Seul le retour d'un autre membre de la famille va mettre fin à ces rituels. Dans le sang.

La séduction énigmatique du récit (éclaté entre passé et présent, comme souvent chez le cinéaste) est tout de suite décuplée par de somptueuses réminiscences cinéphiles. Almodóvar en joue avec encore plus de virtuosité que dans Etreintes brisées. En situant l'action à Tolède, il convoque le Buñuel de Tristana, enfermement et sado-masochisme compris. La folie hitchcockienne est omniprésente, qu'il s'agisse de la gouvernante à faire peur, tout droit sortie de Rebecca, ou de l'acharnement à façonner un être selon le souvenir d'un autre - Vertigo à jamais. Le fantôme de Franju rôde sans cesse, tant les prouesses chirurgicales clandestines du docteur Banderas évoquent explicitement Les Yeux sans visage.

Mais si chaque citation diffuse sa magie, aucune ne fait obstacle à cette effarante vision du monde qu'Almodóvar radicalise de film en film. Tout, dans La Piel que habito, n'est qu'abus de pouvoir ou de faiblesse, duperie et trahison. La figure de la mère, autrefois intouchable ? Elle n'engendre que de la barbarie. Le corps ? Une marchandise, une machine, au pire : un déchet. Le désir ? Il se fixe sur une image, et non sur une personne, ne peut s'assouvir que dans l'asservissement ou l'annihilation brutale de l'autre. L'amour ? C'est s'éprendre de ses propres chimères.

L'histoire pourrait en rester là, on aurait déjà un grand film de genre déjanté, époustouflant par ses rebondissements, ses trouvailles visuelles, son système d'échos, et, parfois, son humour sarcastique. Mais il y a davantage. Dans une embardée finale qui ne doit rien au roman, Almodóvar retrouve un fil presque perdu de son oeuvre. La trajectoire de la femme captive et cobaye, emmurée dans une autre peau que la sienne, ramène soudain le cinéaste aux lueurs d'humanité et d'espoir de ses débuts. Elle devient matière à une réflexion pas si éloignée du récent Tomboy, de Céline Sciamma : un éloge émouvant de la part inaliénable, infrangible des êtres. On cons-tate alors que l'Almodóvar vénéneux d'aujourd'hui et celui, attachant, d'hier ne font qu'un."



Louis Guichard

(Télérama)

 

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Ce n'est pas l'enthousiasme de Télérama qui animait mes deux accolytes en sortant de la salle sombre. Ennui et bêtise étaient les termes employés ... Pourtant, je ne savais comment l'exprimer (sans donner l'impression d'un masochisme ou d'une perversion refoulés à mes interlocuteurs) mais j'avais aimé ce film (et d'ailleurs, finalement, j'aime ce que je veux !). 

Comme j'avais lu de Mygale Thierry Jonquet (le roman dont le film est l'adaptation) et que je suis attirée par les ambiances à la fois fantastiques et terriblement réalistes, dures, glauques et socialement critiques de cet auteur de polars et de scénarios BD ( L'enfant de l'absente , Moloch , Les orpailleurs , La Vie de ma Mère, de Thierry Jonquet et Jean-Christophe Chauzy , DRH, de Chauzy et Jonquet ), je n'ai pas été surprise. Et cette adaptation m'a beaucoup impressionnée.  

 


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Les acteurs, les décors, les flash-back, la BO ... L'esprit de  Mygale (que je n'imaginais pas en Espagne) (mais je n'aurais pas pensé à Almodovar pour l'adaptation non plus) est retranscrit de manière très juste. J'avais ressenti l'effet de surprise à la lecture du roman et j'ai un peu regretté, ici, de connaitre l'histoire. Pour le spectateur qui n'a pas lu le livre au préalable, ça doit être terrible.

 

 

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La rencontre inattendue (mais pas tant que ça à postériori) entre Jonquet et Almodovar est explosive, rythmée, maso, dérangeante et terriblement kitch à la fois. Et il fallait ça ! 

 


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Ma note : 4/5

Publié dans Ciné

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G
<br /> <br /> Dérangeant mais parfait...<br /> <br /> <br /> <br />
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L
<br /> <br /> Comme le roman éponyme !<br /> <br /> <br /> <br />
T
<br /> <br /> même si je lui reconnais des qualités, je n'ai pas trop accroché...<br /> <br /> <br /> <br />
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