Another Year, de Mike Leigh
Le Méliès a dit
Infatigable et déjà auréolé d'une Palme d'Or à Cannes en 1996 pour Secrets et Mensonges, Mike Leigh y était en mai dernier pour présenter son dernier opus. Des petites choses simples que la vie quotidienne de Gerri et Tom, un couple modèle de "sexagénaires" et de leurs proches.
Comme à son habitude, Mike Leigh va raconter avec infiniment d'humanité et de sensibilité ces histoires où chacun peut se reconnaitre et se retrouver. Au rythme des saisons et sur une année complète, il raconte l'amour, les joies, les peines, la fraternité, l'amitié, les déceptions, les naissances, la mort, et ... le temps qui passe.
A la fois drôles et pathétiques, les dialogues sonnent toujours justes. "Un film simple, donc terriblement complexe, qui fait (un peu) pleurer mais aussi (beaucoup) rire. Un film juste et beau comme une sonate où le tragique et la mélancolie viennent caresser une apparente douceur. Du grand Mike Leigh, du grand art' (L'Express).
Que dire de plus ?
Première chose mais non la moindre (et qu'aucun critique parmi ceux que j'ai lu n'a pensé à signaler) : ce film met en scène des personnages d'au moins 65 ans qui travaillent encore et n'ont pas l'air prêts à s'arrêter ! Est-ce ce qui nous attend ? Certes ils n'ont pas des boulots "pénibles" (ingénieur dans une boite de BTP et psychologue dans un cabinet médical) mais quand-même.
C'est un couple modèle de gens qui ne crient pas, prennent leurs boulots au sérieux, cultivent un jardin familial pour manger cinq fruits et légumes par jour, ne boivent jamais trop, ne fument pas, lisent, ont bien élevé leur fils, cuisinent bien, accueillent leurs "amis" et leur famille en détresse ... Mais finalement se croient supérieurs à tout le monde et en dehors des désagréments subis par leur entourage qui n'a pas eu leur chance. Ils se permettent de juger (et le spectateur aussi, par la même occasion) le comportement moins politiquement correct des autres.
Ils jugent notamment Mary, une femme seule qui aimerait juste rencontrer l'amour, et la privent de leur soutien quand celle-ci se permet, une fois, par dépit, d'émettre un avis. Mais aussi Ken, un autre éclopé, Ron, le frère de Tom, et Carl, son fils écorché vif.
Seul Joe, leur fils imbu de suffisance, trouve grâce à leurs yeux, tout comme sa petite amie bobo. Tous trois sont, à mon avis, des faux gentils, des condescendants, qui n'épaulent les autres que lorsque ça n'empiète pas sur la vie de la famille nucléaire, la seule qui compte réellement à leurs yeux.
Ce film est brillant pour pleins de raisons : mise en scène légère et respectueuse malgré une certaine répétition, personnages complexes caractérisés et contextualisés de manière "naturelle", au travers de scènes et de dialogues anodins, très bons acteurs qui incarnent à merveille leurs personnages, décors choisis avec justesse (maison bourgeoise, jardins familiaux, maison ouvrière, crématorim, lieux de travail, bar cosy, ...) pour une meilleur appropriation des situations.
En background, la crise économique et sociale frappe l'Angleterre de plein fouet : départ plus que tardif à la retraite (malgré des problèmes de santé pour Ken), travailleurs pauvres (Mary, après plus de 20 ans de vie active, met toutes ses économies dans une petite oppel et vit dans un petit appart), chômage, alcoolisme, désagrégation des liens familiaux et sociaux dans les anciennes cités ouvrières (Ron, Carl et feu Linda), ... Un monde à deux vitesses se dessine, et personne n'en sort gagnant.
Ma note : 4/5