L'enfant de l'absente
De Thierry Jonquet (auteur en 1994 et préface en 1998), Jacques Tardi (illustrations) et Jacques Testard (scientifique, postface)
Editions Seuil, collection la Dérivée, 1994
Présentation de l'auteur
Né le 19 janvier 1954 à Paris, Thierry Jonquet a une enfance marquée par le cinéma. Il fait ses études secondaires au lycée Charlemagne à Paris, puis étudie la philosophie à l'université de Créteil et plus tard l'ergothérapie. Il travaille ainsi en gériatrie. Devant le spectacle de la mort omniprésente, il commence à écrire pour raconter l'horreur et pour rendre hommage à un pensionnaire avec qui il s'était lié d'amitié. Lassé de l'environnement hospitalier, il brigue un poste d'instituteur. Il se voit affecté à un centre de neuropsychiatrie infantile. Puis il est expédié par l'Éducation nationale dans les cités de la banlieue nord-parisienne où il a en charge une classe de section d'éducation spécialisée. Tous ces métiers l'ont mis en contact avec les « éclopés de la vie ».
Lorsque Thierry Jonquet découvre assez tardivement les romans de la Série Noire, il peut faire le lien entre la violence du réel et la violence littéraire. Si les romans sont de pures fictions où il réinvente la réalité, il puise dans les faits divers, en revendiquant une totale liberté. Son roman Moloch lui a ainsi valu un procès. Bien que ses romans mettent en scène une société malade qui engendre la violence, la haine, le désir de vengeance, Thierry Jonquet refuse de porter l'étiquette d'auteur engagé. Même s'il ne cache pas qu'il est un homme de gauche, ses convictions ne s'expriment que très discrètement dans son œuvre. Thierry Jonquet mène de front deux activités distinctes — celle de scénariste et celle de romancier. Les personnages de son roman Les orpailleurs ont donné naissance à une série télévisée, Boulevard du Palais.
Thierry Jonquet s'est éteint le 9 août 2009 à Paris, à l'âge de 55 ans. Il est aujourd'hui reconnu comme l'un des grands auteurs de romans noirs et ses livres sont autant de merveilles de construction, d'angoisse et d'intelligence narrative.
Résumé
Quand une jeune immigrée africaine qui vient d'être renversée par un autobus arrive en urgence à la clinique du Pr Lapouge, Bastien Ségurel, l'anesthésiste, ne sait pas encore qu'il va être le complice actif d'une terrifiante expérience médicale.
La jeune femme, qu'aucun papier n'a permis d'identifier, est dans un coma dépassé et enceinte de quelques mois. Le foetus, lui, est intact. Le Pr Lapouge, chef de clinique ambitieux, voit alors en elle l'occasion de tenter l'inconcevable : la transformer en " mère-machine ". Elle sera maintenue en vie jusqu'au terme de sa grossesse, et l'enfant mis au monde. L'oncle de la jeune femme, retrouvé grâce à l'enquête de l'inspecteur Veyrier, arrive de Côte d'Ivoire et exige ce que sa sagesse lui dicte : ramener le corps de sa nièce en Afrique et mettre un terme à cet injustifiable acharnement procréatif.
Mais le respect dû à la personne humaine sera-t-il suffisant pour mettre un frein à la mégalomanie du pouvoir médical ?
Que dire de plus ?
A la fin des années 1990, on en était encore aux prémices des avancées de la biologie et de la génétique. Le plus effrayant c'est que ce qui est écrit dans ce livre était largement possible et l'est encore plus aujourd'hui ! La préface et la postface du roman l'expliquent clairement.
La pression de l'argent et de la reconnaissance scientifique peut mener à la manipulation du corps humain et de sa vie sur terre sans autre considération éthique, psychologique, sociale et tout simplement humaniste. L'eugénisme et la quête d'une race parfaite ne sont pas loins lorsqu'il est possible de faire vivre un foetus à l'intérieur du corps d'une morte ! Il ne s'agit pas du fruit de l'imagination d'un écrivain mais d'expériences qui ont bel et bien eut lieu !
Cette question renvoie à celles des OGM et du clonage. Les scientifiques et les financiers ont toujours de bons arguments démagos pour légitimer l'avancée de recherches dangereuses pour l'intégrité de l'espèce humaine : nutrition, santé, espérence et qualité de vie ... Mais comme la plupart des gens, et moi la première, ne comprennent rien à la science et aux mécanismes financiers qui en guident les avancées, ils sont faciles à manipuler et à convaincre.
Science sans conscience n'est que ruine de l'âme disait Rabelais il y a quelques sciècles. Or, la science et la technologies avancent trop vite pour nos pauvres âmes et il est difficile de garder sa raison et sa conscience, surtout face à des puissances multinationales comme Monsanto ou les lobbies pharmaceutiques. Et comme par hasard ce sont les plus faibles qui sont les cobayes (voire aussi The Constant Gardner , le livre de John Le Carre et le beau film).
Tout ceci m'effraye ....