Au diable Staline, vive les mariés !

Une comédie fantaisiste et jubilatoire »… c'est pas nous qu'on l'dit, mais c'est fichtrement vrai ! C'est la télé qui débarque dans un coin foutraque et délabré de Roumanie, pour un reportage sur des phénomènes paranormaux, des apparitions étranges, des trucs pas très chrétiens… De fait, le village est tout ce qu'il y a de bizarre et semble habité exclusivement par de vieilles femmes de noir vêtues, pleureuses pour l'éternité d'un chagrin collectif porté comme une malédiction qui hanterait la friche dévastée.
Il était une fois… il y a une bonne cinquantaine d'années, en 1953 exactement. Ana et Lancu sont amoureux, s'envoient gaiement en l'air dans les prés fleuris, sous les regards émoustillés d'une bande de gamins qui n'en perdent pas une miette… et le papa d'Ana trouve que ce Lancu ne se dépêche guère de régulariser ! Bref, ça jacasse au bistrot du coin, ça se fritte entre deux vodkas et les bonnes femmes ne sont pas les dernières à y mettre leur grain. Quand Lancu enfin se lance dans une demande en bonne et dûe forme, tous se tombent dans les bras et le village entier s'attèle aux préparatifs de la noce en se frottant les mains : enfin une occasion de faire une bonne grosse fête joyeuse alors on ne lésine pas sur les moyens, on sollicite même un orchestre tzigane du meilleur cru, on tue le cochon le plus gras, le plus bel agneau, on fabrique toutes sortes de pâtés en croûte et de gâteaux crémeux… Peut-être même qu'on pourra pincer quelques fesses… On se régale d'avance du festin et chacun s'imagine des atours rutilants comme un sapin de noël.
Au moment même où la fête est à deux doigts de commencer, le Maire du village déboule avec le commandant du régiment qui annonce, avec une gueule de coup de trique, que le camarade Staline vient de mourir, qu'un deuil national de 7 jours est décrété, qu'il prend effet sur le champ, que toutes festivités sont interdites… gare à ceux qui n'auront pas l'air éploré ! Imaginez la tronche de ce village reculé de fauchés qui ont mis toutes leurs économies pour l'événement d'une vie et qui n'en ont strictement rien à faire du petit père des peuples ! Sans compter qu'il leur a déjà nationalisé leurs trois champs d'artichauts et qu'il ne va tout de même pas en clapotant les empêcher de se marrer un grand coup.
Bref ! Malgré les chars qui rôdent pas loin, et les militaires méfiants, les villageois vont se livrer collectivement à un acte de subversion terrible : pas question d'avoir mijoté tous ces bons petits plats pour rien, et les tziganes feront danser la noce quoi qu'il arrive !…
Que dire de plus ?
Il y a une joie de vivre nécessaire dans ce film. Il débute sur la vision appocalyptique d'un paysage industriel en déshérence d'où surgissent des vieilles dames en deuil et un fantome en robe de mariée, sous une pluie fine et omniprésente (non il n'a pas été tourné dans le Béarn, mais en Roumanie !).
Le flash back dans les faits évoqués ci-dessus est plus lumineux, comme une vision de l'âge d'or qui a précédé une arrivée violente du communisme dans le village rasé pour installer les usines. Les personnages y étaient riches en couleurs, truculants et pantagrueliques : ça bossait dur dans les champs, jacassait et picolait. Bref, ça vivait. Ce qui ne plaisait pas à l'aryen en uniforme qui aurait tout aussi bien pu être un officier SS !
Ce film m'a redonné envie d'aller en Roumanie. Les plats dégustés lors du banquet étaient les mêmes qu'à Budapest : chou farci, polishka, viandes bouillies ... Vivement un road trip entre les carpathes et le delta du Danube !