Louise-Michel

Publié le par La fée Paradis

Comme promis dans un précédent article sur le Groland, voici la critique du fameux Louise-Michel :

Utopia a dit :

« Ah! ça ira, ça ira, ça ira , Les aristocrates à la lanterne , Ah ! ça ira, ça ira, ça ira , Les aristocrates on les pendra ! » La Carmagnole, cette vieille chanson révolutionnaire réjouissante, pourrait s’appliquer au nouvel opus joyeusement libertaire du duo grolandais Delépine/Kervern, plus connu des téléspectateurs de Canal+ sous les sobriquets de Michael Kael et Gustave de Kervern, les deux reporters branleurs et alcooliques, mais aussi bien repérés derrière la caméra par les spectateurs utopiens grâce à leurs deux précédentes comédies ubuesques, Aaltra et Avida.
Car si ce filmé épatant n’est absolument pas une biographie de l’héroïne de la Commune, Louise-Michel est un bel hommage à la passionaria anarchiste, avec des airs de carmagnole si on veut bien remplacer les aristos par les grands patrons, ceux du CAC 40, ceux qui n’hésitent pas à ruiner la vie des gens au profit des actionnaires et qui, face à leur violence légalisée par une justice au service du capitalisme, peuvent craindre un autre type de violence, celle des exclus, qui pourraient bien un jour décider de prendre les armes.
En l’occurrence, c’est ce que se disent une douzaine ouvrières picardes, salariées d'une entreprise de cintres qui se retrouvent du jour au lendemain salement privés d'outil de travail, le patron ayant vidé l'usine de toute machine pendant la nuit, une pratique tristement fréquente…

Et au lieu d'occuper un bâtiment vide, d'alerter des syndicats impuissants face à des formes de mépris social de plus en plus décomplexées (et puis on sait depuis 68 qu'un des rôles des syndicats traditionnels est de faire rentrer l'ouvrier dans le rang, n'est ce pas Bernard ?), elles décident de prendre les choses en main et de rendre coup pour coup. Leur solution : mettre en commun leur maigre prime de licenciement pour embaucher un tueur qui les vengera en butant leur patron !
A leur tête Louise, grande gigue taciturne qui a connu prison pour meurtre de banquier récalcitrant et dont on apprend vite que la force virile n'est pas pour elle un vain mot. Et quand on sait que Louise est incarnée par Yolande Moreau, capable d'incarner les pires brutes comme les égéries au cœur tendre... on vous laisse imaginer. Quant au tueur, Michel (d'où le titre Louise-Michel), il est incarné par Bouli Lanners, le panda qui irradiait Eldorado (réalisé par ailleurs par lui même), et on se doute que le bonhomme ne va pas avoir l'efficacité d'un Steven Seagal…

Mais bon an mal an, la chasse au patron voyou va se transformer en road-movie pathétique dans les arcanes du capitalisme, traversant les paradis fiscaux du Luxembourg à l'île de Jersey. Et d'ailleurs l'immense force du film est de savoir concilier un humour féroce avec une analyse politique radicale extrêmement juste. Une veine de cinéma que l'on avait pas vue depuis quelques brûlots des années 70, comme le Themroc du regrettté Claude Faraldo, où une bande d'ouvriers menés par Michel Piccoli préféraient revenir à l'âge de pierre pour y bouffer au sens littéral du CRS.
Tout ça trouvera sa conclusion jubilatoire dans un final dont on ne vous dévoilera évidemment pas les subtilités mais dont on peut vous dire que Denis Robert (eh oui ! le journaliste ayant révélé le scandale Clearstram et qui fut harcelé juridiquement pour cela) y incarne un homme de main des patrons… Ce qui vous donne une petite idée de l'ambiance générale… Sans oublier les autres complices du film : Benoît Poelvoorde en ingénieur d'armement cinglé, mais aussi Siné, le dessinateur historique de Charlie Hebdo, viré pour insolence envers la famille présidentielle par Philippe Val, son patron renégat… Et surtout ne quittez pas la salle avant la toute fin du générique, il y a une petite surprise (hé ! hé !).

Que dire de plus ?

La liste des célébrités apparaissant dans ce film oublie le fameux Francis Kunz, odieux repporter du JT de Groland qui incarne un DRH tout aussi odieux et pervers au début du film.

Cette critique n'évoque pas non plus la confusion des genres entre Louise et Michel, des images dérangeantes et socialement horribles tant nous sommes conditionnés par une vision politiquement corrects de ce que doivent être les hommes et les femmes. Un humour noir et cynique sur fond de Picardie qui donne envie de faire la révolution et d'arrêter de consommer dans la bonne humeur !

La Picardie et les paysages sombres et glauques à l'opposé des visions paradisiaques proposées par les tours opérateurs font d'ailleurs le fond de commerces des réalisateurs, ce sont les mêmes que dans Altraa et Groland.

Espérons que la course poursuite contre les suppots du grand capital et de son hégémonie dure encore longtemps, même si encore une fois les don quichottes de la justice sociale ne finissent pas comme ils l'auraient souhaité.

Publié dans Ciné

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